Couverture du premier numéro du Journal de
Spirou le 21 avril 1938
© Editions
Dupuis
(cliquez sur l'image pour l'agrandir)
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De la naissance à la renaissance
Le jeudi 21 avril 1938 marque la
naissance officielle de Spirou avec la publication du premier numéro
du Journal de Spirou (même si un numéro 0 a été distribué quelques
jours plus tôt dans 200 000 boites aux lettres en Wallonie).
Publié toutes les semaines, le journal propose un
mélange de bandes dessinées belges et une sélection de bandes
américaines (en attendant que la production locale soit suffisante).
Jean Doisy en est le rédacteur en chef. Le succès est rapide comme
en attestent les adhésions au Club des amis de Spirou qui dispose de
son insigne et de son code d'honneur.
Dans le numéro du 8 juin 1939, Rob-Vel et
Blanche Dumoulin donnent un compagnon à Spirou. Spirou signifiant
écureuil en wallon, ils créent Spip l'écureuil.
Mais l'année 1939 est doublement sombre pour
Rob-Vel : au printemps, Luc Lafnet meurt d'un cancer foudroyant (il
avait 40 ans) et en septembre il est mobilisé par l'armée française
pour partir au front. Pendant plusieurs mois, il arrivera à
transmettre régulièrement des planches aux Editions Dupuis via son
épouse Blanche qui est restée vivre à Paris.
En Belgique occupée, les Editions Dupuis refusent de
collaborer avec l'occupant nazi très intéressé par son outil
industriel et ses journaux. Elles décident de suspendre la
publication du Moustique dont les sujets sont trop proches de
l'actualité tandis que Les Bonnes Soirées et Le journal de Spirou
continuent d'être publiés. D'autant plus facilement que les
autorités allemandes considèrent les contenus de ces deux titres
comme "inoffensifs". Toutefois, en coulisses, de nombreux membres
des Editions Dupuis participent à des actes de résistance. Parmi
eux, Jean Doisy qui est membre du Front de l'indépendance, utilise
Le journal de Spirou et le Club des amis de Spirou pour combattre
l'idéologie nazie notamment au travers du code de l'honneur du Club.
Très vite, le guerre disperse la famille Dupuis :
Jean passe en Angleterre, Paul est fait prisonnier (il sera libéré
en 1941) et Charles échappe de peu à la captivité. La publication du
journal est interrompue du 9 mai au 22 août 1940 où elle
reprend grâce à Charles Dupuis et René Matthews,
En 1940, Rob-Vel est fait prisonnier. Après un
relais d'urgence par Blanche Dumoulin, c'est Jijé (de son vrai nom
Joseph Gillain), seul auteur disponible, prend alors le relais. Il
sera aux commandes d'octobre 1940 à mars 1941.
Le 20 mars 1941, libéré, Rob-Vel
reprend les crayons mais Jijé continue de rester présent sur
certains dessins de Spirou en complément.
En 1942, la menace d'une interdiction
de parution existant toujours, Jean Doisy demande au marionnettiste
André Moons de monter un spectacle de marionnettes avec Spirou comme
personnage central. Le spectacle permettra à Spirou de rester en
contact avec ses lecteurs grâce à une tournée à travers toute la
Wallonie.
En 1943, la fermeture des frontières entre la
France et la Belgique pose des problèmes de communication entre
Rob-Vel et les Editions Dupuis. L'éditeur doit trouver une solution
rapidement et celle qui s'impose est le rachat des droits d'auteurs
de Rob-Vel. Ce rachat forcé par la situation historique va s'avérer
être l'un des fondements de la durée de vie de Spirou. En effet,
avec ce rachat, les Editions Dupuis peuvent désormais confier Spirou
à l'auteur de leur choix. Dans l'immédiat, ce sera Jijé mais à
l'avenir ce sera toute une succession d'auteurs qui permettra à
Spirou de passer les années.
Jijé, seul aux commandes de Spirou, donne au
personnage un acolyte fantasque et dans le ligné des zazous de
l'époque. A la demande de Jean Doisy, il fait de Fantasio, un
personnage apparaissant dans le journal, un personnage de premier
rang de l'univers du groom. Jijé apporte à Spirou une allure plus
élégante avec notamment de longues jambes. Certains observateurs
trouvent même qu'il se féminise.
Le 2 septembre 1943, l'interdiction de
parution devient inévitable pour Le Journal de Spirou. Le journal
sera absent des kiosques jusqu'à la libération de la Belgique.
Toutefois, Spirou ne reste pas muet : d'une part, le spectacle de
marionnettes poursuit sa tournée en Wallonie et d'autre part, le
même mois est publié l'album "L'espiègle au grand cœur".
En septembre 1944, la Belgique est libérée,
très vite Le Journal de Spirou fait son retour dans les kiosques et
retrouve aussitôt le succès auprès de ses lecteurs.
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Spirou de mains en mains
En 1946, Jijé débordé par de multiples projets
propose de confier Spirou à l'un de ses élèves. Agé de 22 ans, issu
d'un studio de dessins animés, André Franquin s'approprie Spirou
d'une telle manière qu'aujourd'hui encore beaucoup croient qu'il en
est le père. D'une part, il affine le dessin des personnages et
d'autre part il fait évoluer la série d'histoires courtes à de
vraies aventures aux scénarii travaillés. Par ailleurs, Franquin
développe autour de Spirou tout un univers qui va servir de socle à
la majorité des auteurs qui lui succèderont : Zantafio, Champignac
(avec son château, son Comte et ses villageois), Zorglub, Seccotine
et le Marsupilami. Avec Franquin, Spirou devient un héros (au sens
premier du terme) qui s'engage pour des causes humanistes et
sociales avec énergie et humour.
Le
1er mai
1947, le magazine se rebaptise "Spirou" tout simplement.
En 1968, après 22 ans de travail sur la série,
n'ayant jamais été véritablement à l'aise avec ce personnage qu'il
n'a pas créé et après une dépression, Franquin décide d'arrêter de
dessiner Spirou. Les Editions Dupuis choisissent pour lui succéder
un inconnu : Jean-Claude Fournier. Ce dessinateur breton va donner
une interprétation assez poétique du personnage mais aussi une
vision post soixante-huitarde plus proche de la réalité de la
société. Outre une évolution vestimentaire, Spirou se lance dans des
combats écologiques et des aventures plus en phase avec le contexte
géopolitique international. Si certains lui reprochent sa vision
trop bretonne de Spirou, il apporte aussi beaucoup à l'univers de la
série avec des personnages comme Itoh kata ou Ororéa.
En 1980, Fournier est remercié alors qu'il
prépare un nouvel album. Les Editions Dupuis font le choix d'un duo
pour animer la série : Nicolas Broca, dit Nic, novice en bande
dessinée mais reconnu dans le monde du dessin animé, et Raoul
Cauvin, scénariste remarqué. Avec la consigne d'oublier l'univers
bâti par Franquin en se recentrant sur le trio Spirou, Spip et
Fantasio, les deux auteurs ont un peu les mains liées. De leurs 3
albums, il ne sort rien d'extraordinaire et l'éditeur les remercie.
En 1984, les Dupuis confient Spirou au duo Tom
et Janry (Philippe Vandevelde et Jean-Richard Guerts de leurs vrais
noms) qui se sont faits remarqués au travers d'une rubrique dans Le
Journal de Spirou. Le duo reprend la série dans la suite de Franquin
et Fournier, comme si les planches de Nic et Cauvin n'avaient pas
existé. La reprise est autant visible au niveau de la reprise de
l'univers construit par leurs deux ainés (Spirou et Fantasio en
colocation, personnages secondaires, Champignac…) que dans le style
graphique. Toutefois, le duo apporte leur touche avec une
modernisation de la série (vêtements, voitures…), avec des nouveaux
personnages (Vito…), avec un grand sens de l'action et avec l'humour
comme élément de base ou fil rouge de tous les scénarii.
En 1987, après s'être déchaînés dans l'album
"la jeunesse de Spirou", Tome et Janry créent la série dérivée "Le
petit Spirou" pleine d'humour et d'impertinence. La série prend très
vite son indépendance au point de ne plus être toujours en phase
d'un point de vue temporelle avec la série mère. Ainsi, si Spirou
était enfant dans les années 1930, le petit Spirou est bien un
enfant d'aujourd'hui ! La série est un gros succès.
Le 5
octobre
1988, le magazine adopte le nom de "Spirou Magaziiiine".
Le 12
janvier 1994, le magazine revient à son précédent nom "Spirou".
En 2000, avec "la machine qui rêve", les deux
hommes tentent une aventure dans un style semi réaliste et plus
mature. Mais ce changement avec des personnages plus noirs, blessés,
parlant de leurs sentiments… ne fût pas apprécié des lecteurs. Si
certains parlent d'un virage brutal, des spécialistes de la série
considèrent qu'il avait été en fait amorcé depuis plusieurs albums.
Même si ce changement du style qui voulait renouveler la série est
considéré comme "courageux et louable", "Spirou et Fantasio" perdent
de leur attrait en devenant plus réaliste.
Suite à ce simili échec de cet album et au manque de
soutien de l'éditeur, Tome et Janry arrêtent leur travail alors
qu'ils préparent le retour de Zorglub avec "Spirou à Cuba" mais
conservent la série "Le Petit Spirou".
En 2004, Jean-Davis Morvan et José Luis
Munuera reprennent la série et lui apportent un ton plus sérieux et
font évoluer le graphisme des personnages. Tout comme avec Tome et
Janry, le dessin reste proche du style de Franquin tout en intégrant
une touche rappelant les mangas dans le découpage et le mouvement.
Malgré de très bonnes histoires, l'évolution des personnages
inquiète les Editions Dupuis et ne fait pas l'unanimité des
lecteurs. L'épisode "Aux sources du Z" qui tente de créer une ligne
temporelle parallèle pour relancer la série avec une vision
différente ne séduit pas et le duo quitte la série.
Le 25
janvier 2006, le magazine devient "Spirou HeBDo".
En 2006, les Editions Dupuis lancent la série
"Une aventure de Spirou et Fantasio par…". Cette série parallèle
offre la possibilité à un auteur (ou un duo d'auteurs) extérieur à
la série dite classique de donner sa vision du monde de Spirou et
Fantasio avec son style propre. Les histoires présentées ne doivent
pas interférer avec la série classique. La même année, faisant suite
à la publication de "Spirou à Tokyo", Morvan et Munuera signent avec
un auteur nippon "Des valises plein les bras" qui se veut être le
premier épisode d'une série de Spirou en manga. La série viendrait
en parallèle de la série originale [nota : en réalité parallèle,
puisqu'elle démarre avec le premier jour de Spirou au New Moustique
Hotel de Tokyo et sa rencontre avec Spip et Fantasio]. A ce jour, il
n'y a pas eu de suite à ce pilote.
Début 2007,
Dupuis annonce la fin de sa collaboration avec Morvan et Munuera du
fait de la baisse des ventes. Pendant plusieurs mois, il est
envisagé que leur dernier album intitulé " Spirou, ami, partout,
toujours" sortent dans la série "Une aventure de Spirou et Fantasio
par…" avant de finalement sortir en album en novembre 2008 sous le
titre "Aux sources du Z".
Le 16
avril 2008, le magazine revient à son précédent nom "Spirou"
(encore).
En janvier 2009,
les éditions Dupuis annoncent qu'ils confient la série à Yoann
Chivard et Fabien Vehlmann, auteurs du premier album de la série
"Une aventure de Spirou et Fantasio par…". Leur premier album sur la
série classique arrive en septembre 2010. En reprenant la série
classique, Yoann et Vehlmann tentent de faire la synthèse entre les
différentes générations d'auteurs et de lecteurs : ils
repositionnent les personnages dans leurs rôles d'origine, conserve
l'univers de Franquin, Fournier ou Tome et Janry, modernisent les
personnages, renouent avec le style graphique de Franquin tout en
conservant la vitalité de Tome et Janry et l'animation moderne de
Morvan et Munuera. Un savant cocktail qui fonctionne.
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